Judaïsme et fêtes juives

 

Rosh Ha-Shana,

 

la Nouvelle Année

 

   

Source: www.un-echo-israel.net, 20 septembre 2007, par Loïc Le Méhauté

 

L’expression « Rosh Ha-Shana » ne se rencontre qu’une seule fois dans la Bible, dans une vision d’Ezéchiel (Ez 40. 1). C’est peut-être une référence à la nouvelle année commençant à l’automne au retour de la captivité de Babylone. Sous Néhémie, le premier jour du septième mois fut célébré avec de grandes réjouissances : « Le septième mois arriva, et les enfants d’Israël étaient dans leurs villes. Alors tout le peuple s’assembla comme un seul homme [...]. Et tout le peuple s’en alla pour manger et pour boire, pour envoyer des portions, et pour se livrer à de grandes réjouissances. » (Ne 8. 1-12). Est-ce que cela signifie qu’il était déjà considéré comme le premier jour de l’année ?

 

 

La fête des trompettes

 

Dans la tradition juive, la nouvelle année s’appelle Rosh Ha-Shana et commence le premier jour du mois de Tishri, à la fin du mois de septembre ou au début d’octobre suivant le calendrier lunaire.

 

Dans les deux listes récapitulatives des fêtes de l’Éternel, le premier jour du septième mois est mentionné comme une sainte convocation, Miqra’qodesh, publié au son des trompettes, « zikron teru’ah » et « yom teru’ah » : « Le septième mois, le premier jour du mois, vous aurez un jour de repos, publié au son des trompettes (zikron teru’ah), et une sainte convocation [...] » (Lv 23. 24) ; « Le septième mois, le premier jour du mois, vous aurez une sainte convocation : vous ne ferez aucune œuvre servile. Ce jour sera publié parmi vous au son des trompettes (yom teru’ah). » (Nb 29. 1). La version du Grand Rabbin Zadoc Kahn, traduit « publié au son des trompettes » par « commémoration par une fanfare » et « ce jour sera publié parmi vous au son des trompettes », par « ce sera pour vous le jour du son du shofar ». André Chouraqui quant à lui traduit respectivement par « mémoire d’ovation » et « jour d’ovation », ce qui rend mieux les expressions bibliques de « zikron teru’ah » et « yom teru’ah » du texte hébreu.

 

Bien que le mot trompette, ou shofar, n’est mentionné dans aucun de ces deux textes, le mot teru’ah est traduit par « son du shofar » ou par « son des trompettes ». Dans le livre des Nombres (Nb 10. 5), teru’ah est associé aux trompettes : « [...] quand vous sonnerez (des trompettes) avec éclat (takatem teru’ah) [...] ».

 

Teru’ah, est un mot qui apparaît 36 fois dans la Bible. Il a plusieurs sens bien distincts. Il est utilisé comme un « signal » : « Tu feras retentir les sons éclatants de la trompette (shofar teru’ah) ; le jour des expiations [...] » (Lv 25. 9). Il désigne aussi « l’alarme », un cri poussé par le peuple, comme un cri de guerre : « Tout le peuple poussera un grand cri (teru’ah gedola » (Jos 6. 5 ; Jr 4. 19). Ce mot symbolise les cris associés au son du shofar dans un combat : « Au milieu des cris de guerre et du bruit de la trompette (bétru’ah békol shofar) » (Am 2. 2). Le mot teru’ah est associé au son des trompettes que l’on sonne avec éclat (Nb 10. 5). C’est aussi un « cri d’acclamation » au cours d’un rituel : « Tout Israël poussa de grands cris de joie (teru’ah gedola) [...] » (1 S 4, 5 ; 2 S 6. 15). Ce mot est utilisé dans la louange d’exaltation de Dieu : « Louez-le avec les cymbales retentissantes (teru’ah) » (Ps 150. 5). C’est vraisemblablement dans le sens liturgique qu’il faut comprendre l’expression « jour d’acclamation, yom teru’ah », c’est à dire jour de fête où Dieu est acclamé et exalté.

 

La fête des trompettes, Rosh Ha-Shana, est le plus grand des festivals lunaires de l’année. Pour cette nouvelle lunaison des sacrifices spéciaux étaient offerts au Temple en plus des sacrifices habituels (Nb 29. 2-6).

 

 

Dans la tradition

 

Le mois de Tishri est devenu, suivant la tradition rabbinique, le premier mois de l’année et, son premier jour, le premier de l’année : Rosh Ha-Shana. Outre Ezéchiel (Ez. 40. 1), ce nom n’apparaît que dans la Mishna qui lui consacre un traité (Rosh Ha-Shana), dans l’ordre Mo’ed (Fêtes - rencontres). La traduction littérale de Rosh Ha-Shana est la « Tête de l’année ».

 

Dans la liturgie juive, cette fête est désignée comme Jour du jugement divin (Yom ha-Din). La Mishna nous dit qu’en ce jour le monde est jugé et que tous les hommes passent devant Dieu comme des agneaux. Dieu, le roi, fait son apparition en tant que juge, mais aussi en tant que Père miséricordieux, qui veut nous attirer à Lui et inspirer en nous un désir d’amendement, de Teshuvah (repentance).

 

Le Talmud (Rosh Ha-Shana) ajoute qu’en ce jour le monde fut créé, c’est donc l’anniversaire de la création. Les thèmes principaux de cette fête seront : la création et le jugement. En célébrant Dieu comme le créateur on le reconnaît comme le Roi de la création et aussi comme son juge. A Rosh Ha-Shana le peuple juif acclame Dieu comme Créateur, Roi et Juge du monde.

 

Ce jour est aussi, dans la tradition juive, le Jour du souvenir (Yom ha-Zikaron), ce qui signifie que non seulement l’homme se souvient de Dieu mais que Lui-même se souvient de tout ce qu’il a fait en faveur de son peuple et par amour pour lui. Dieu ne se repentant point de son amour, son jugement est donc empreint de miséricorde. Peut-être que le peuple se souvient de la révélation divine et de l’alliance scellée avec Dieu au pied du mont Sinaï quand Il parlait avec Moïse et que le son du shofar retentissait de plus en plus fort : « Le son de la trompette retentit fortement ; et tout le peuple qui était dans le camp fut saisi d’épouvante...Le son du shofar retentissait de plus en plus fortement » (Ex 19. 19). C’est un jour de souvenir et de crainte de l’homme devant son Créateur. La sonnerie du shofar crée dans le cœur de l’homme la crainte de la présence de Dieu.

 

 

Extraits de la Liturgie

 

Dès les premières prières de bénédictions de l’office du soir, Aravit, l’on récite les bénédictions suivantes : « Souviens-toi de nous pour la vie, Ô toi qui aimes la vie, et inscris-nous au livre de vie, à cause de toi, Dieu de vie » ; et : « Qui est comme toi, Dieu de tendresse, qui, dans sa tendresse, se souvient de ses créatures pour la vie ».

A l’

office du matin, Shararit, l’on récite la supplication « Avinou, Malkenou » : « Notre père, notre Roi, nous avons péché contre toi, notre Père, notre Roi, nous n’avons d’autre Roi que Toi [...] ».

 

Les lectures de la Torah seront tirées des livres de la Genèse (Gn 21, 22) et des Nombres (Nb 29. 1-6). Le récit du sacrifice d’Isaac (Akédat Itzrak) est lu dans les synagogues. La commémoration de la foi exemplaire d’Abraham sert d’inspiration et de réconfort pour sa descendance. Le test de la foi d’Abraham assure la survie de sa progéniture.

La lecture des prophètes est tirée des textes bibliques : 1S 1 ; 2 S 1-10 ; Jr. 31. 2-20.

 

Au cours du service supplémentaire, Moussaf, on fait la sonnerie de shofar pendant la prière d’Amidah. Elle est composée de trois bénédictions spéciales : Malkhouyot, royauté ; Zikronot, mémoire de Dieu et le souvenir des ancêtres ; et de Shofarot, versets du shofar qui représentent l’espoir de la venue de l’Ère messianique, qui sera inaugurée, ou annoncée, par la sonnerie du shofar. Cette bénédiction contient dix versets bibliques qui mentionnent le son du shofar, avant-coureur de la délivrance d’Israël et du monde : « Vous tous habitants du monde, habitants de la terre, voyez la bannière qui se dresse sur les montagnes, écoutez le shofar qui sonne. » (Es 18.3) ; « Le Seigneur, l’Éternel, sonnera du shofar, il s’avancera dans l’ouragan du midi [...] » (Za 9. 14).

 

Dans la liturgie de la fête, de nombreux textes bibliques sont lus dont des extraits des Psaumes : « Dieu monte au milieu des cris de triomphe, l’Éternel s’avance au son de la trompette (kol shofar). Chantez à Dieu, chantez ! Chantez à notre roi, chantez ! Car Dieu est roi de toute la terre [...] » (Ps 47. 6-8) ; « Heureux le peuple pour qui il en est ainsi ! Heureux le peuple dont l’Éternel est le Dieu ! » (Ps 144. 15).

 

Si dans la Bible, la fête est célébrée une journée, dans la tradition juive elle dure deux jours. La Mishna nous enseigne qu’à l’époque du Temple des témoins qui avaient vu la nouvelle lune montaient à Jérusalem pour le certifier auprès du Sanhédrin. Celui-ci, craignant un retard des témoins où une interférence des opposants au Judaïsme (les Samaritains...), décida que les Juifs de la diaspora célébreraient la fête pendant deux jours pour couvrir toute incertitude et respecter la sainteté de la fête. Cette tradition s’est maintenue jusqu’au nos jours. Si le premier jour de la fête tombe un shabbat, le shofar sera sonné le deuxième jour.

 

 

 

 

 

 

 

Le son

 

 

du shofar

 

 

 

Cette fête du premier jour du septième mois que les Juifs appellent Rosh Ha-Shana est mentionnée dans la Bible comme : « Yom teru’ah et Zikron teru’ah », traduit par : « un jour de sonnerie du shofar et jour publié au son des trompettes », la cérémonie principale pendant la fête sera donc la sonnerie du shofar. Tout homme juif est tenu d’écouter la sonnerie du shofar, l’obligation ne s’applique ni aux femmes et ni aux enfants, mais il est devenu habituel pour les femmes de l’écouter.

 

Le shofar est un instrument en corne d’animal, de préférence une corne de bélier en souvenir du ligotage d’Isaac à qui un bélier fut substitué (Gn 22. 13). La loi, permet cependant n’importe qu’elle corne d’animal cacher à l’exception de la corne d’un bovidé à cause de l’épisode du Veau d’or (Talmud Babylone, Rosh Ha-Shana 26a). L’on utilise couramment un shofar incurvé car il symbolise la volonté de l’homme se soumettant à celle de son créateur. Le shofar ne doit être ni fêlé ni troué.

 

 

Pourquoi sonne-t-on du shofar à Rosh Ha-Shana ?

 

Les Sages ont développé la coutume de sonner le shofar pendant tout le mois d’Eloul (tradition séfarade) pour inciter à la conversion. Comme le son du shofar pendant la guerre donne un sentiment d’appréhension et tient le peuple sur ses gardes, de même pendant Eloul, le shofar tire le peuple de son apathie, et réveille la pensée et la conscience pour une introspection qui mène à la repentance et à une élévation spirituelle. Toutefois cette sonnerie du shofar n’est qu’une coutume et demeure facultative. Il y a une tradition juive qui dit que Moïse est monté pour la deuxième fois au mont Sinaï au début du mois d’Eloul et que le shofar fut sonné pour que le peuple ne s’égare pas comme à l’épisode du Veau d’or.

 

Bien que la Bible ne précise pas le pourquoi de la sonnerie du shofar au cours des célébrations de ce septième mois, les Sages, dont Rav Sa’adia Gaon (892 - 942), en ont donné dix raisons :

 Lors du couronnement d’un nouveau roi, l’on sonnait de la trompette, et, comme Dieu en ce jour est célébré comme Créateur et donc Roi de l’univers, en son honneur l’on sonne du shofar : « Avec les trompettes et au son du cor, poussez des cris de joie devant le roi, l’Éternel ! » (Ps 98. 6).

 La nouvelle année introduit les 10 jours de pénitence et le shofar appelle à la repentance et au retour à Dieu.

 Le shofar évoque la révélation du Sinaï, quand la Torah fut reçue au son de la trompette : « Le troisième jour au matin, il y eut des tonnerres, des éclairs, et une épaisse nuée sur la montagne ; le son de la trompette retentit fortement [...] » (Ex 19. 16-19), de même il avertit chacun de la mettre en pratique.

 La sonnerie du shofar rappelle l’importance de l’enseignement des prophètes, comparé lui-même à une sonnerie du shofar qui avertit : « [...] Et toi, fils de l’homme, je t’ai établi comme sentinelle sur la maison d’Israël [...] » (Ez. 33. 1-9).

 Le retour des exilés est aussi associé avec la sonnerie du shofar : « [...] Et vous serez ramassés un à un, enfants d’Israël ! En ce jour, on sonnera de la grande trompette [...] » (Es 27. 13).

 Le shofar raffermit notre espérance en la résurrection des morts et est le héraut du Messie « Vous tous habitants du monde, habitants de la terre, voyez la bannière qui se dresse sur les montagnes, écoutez la trompette qui sonne ! » (Es 18. 3).

 

Moïse Maimonide, théologien et philosophe juif (XIIe–XIIIe s.) donne une explication toute simple de l’utilisation du shofar, c’est un appel pour se réveiller et revenir à Dieu en amendant ses voies : « Réveillez-vous de votre sommeil, vous qui dormez. Réveillez-vous et examinez vos voies, repentez-vous et souvenez-vous de votre Créateur » (Yad, Teshuvah 3. 4).

 

Vu que pour le peuple juif, les sonneries (téqi’ot) du shofar ont le pouvoir de transformer la justice divine en miséricorde, il faut choisir comme sonneur (toqé’ah) une personne sincèrement et strictement religieuse. Celui-ci devra, trois jours avant Rosh Ha-Shana, chercher à se purifier de tout péché, il révisera les règles concernant les sonneries et il s’y exercera. Il étudiera également les pensées profondes qu’il doit avoir pendant les téqi’ot.

Avant la sonnerie du shofar, le Psaume 47 est récité sept fois, comme un symbole des sept circonvolutions des Hébreux autour de Jéricho avant la destruction de ses murailles, et des sept cieux que les prières doivent traverser pour atteindre le trône de Dieu.

 

 

Comment sonne-t-on du shofar ?

 

La Torah appelle ce jour « jour d’acclamation », yom teru’ah (Nb 29. 1), pendant lequel il faut sonner du shofar. Si « teru’ah » indique un son plaintif, implorant, « téqi’ah » quant à lui signifie une note de joie et d’allégresse. La tradition rabbinique a établi que le son dramatique teru’ah, signe de la justice inexorable, serait précédé et suivi d’un son clair, prolongé, signe de la joie et de la miséricorde, téqi’ah. Pour les soupirs l’on a institué la sonnerie des « Shevarim », trois sons interrompus.

 

La sonnerie du shofar étant un précepte de la Torah, les trois sonneries (à savoir trente notes par sonnerie) retentissent une première fois après la lecture de la Torah, avant la prière de Moussaf ; pendant cette prière, après chacune des bénédictions centrales du Moussaf (Malkhouyot, Zikronot, Shofarot) ; et pendant la répétition du Moussaf. Pour la première série de sonneries la congrégation écoute assise, tandis qu’aux deux autres, elle se tient debout.

 

Le sonneur (toqé’ah) se tient également debout lorsqu’il sonne du shofar et lorsqu’il dit les bénédictions suivantes sur le shofar :

« Béni sois-Tu, Éternel notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous a sanctifiés par Tes commandements et nous a prescrit d’écouter le son du shofar » et : « Béni sois-Tu, Éternel notre Dieu, roi de l’univers, qui nous a accordé la grâce de vivre jusqu’à ce jour ».Pendant la sonnerie chacun aura soin de ne pas parler et de se concentrer afin de pouvoir écouter toute la série des téqi’ot, du début jusqu’à la fin.

 

 

 

                                        Loïc Le Méhauté (www.un-echo-israel.net)